"Je me suis imposé un petit travail, étant inapte. Il faut bien dire que pour certains le confinement a été assez merveilleux. Je connais bien des gens pour qui le renvoi social n'est pas précis - genres marginaux, genres délinquants, instables qui, par cette période-là n'avaient plus ce poids épouvantable - certains font, d'autres projettent, d'autres… Tout le monde était presque un communisme de la déprime : personne n'était mieux que personne puisque personne n'était rien. Moi, je n'ai pas cette aptitude, cette force de caractère à assurer mon rien, alors je me suis dit "Impose-toi un travail !" Ma compagne m'a dit "Ce serait bien que tu crées un Instagram". Je ne savais même pas ce que c'était. Elle m'a dit, ce serait bien de t'imposer un travail, et envoyer tous les dix jours, une fable, un poème, de Baudelaire, de Rimbaud… Et curieusement, cela m'a obligé à travailler. Ainsi, j'ai été sauvé, et voilà comment s'est passé mon confinement". Fabrice Luchini
Un spectacle et un héros tiré du confinement : Blaise Pascal ?
"Vous dîtes que le héros est Pascal, je dirais plutôt que c'est La Fontaine et les commentaires sur l'époque, parce que je ne pense pas que je pourrais ouvrir le Montparnasse avec Pascal, avec uniquement les Pensées de Pascal. Je pense à une merveilleuse phrase de Nietzsche qui s'est imposé par sa haine du christianisme et qui dit à un moment : "Pascal pour qui j'ai presque de la tendresse, il m'a tellement instruit" - j'ai pris de Pascal des phrases sculptées. Il m'a intéressé parce que nous étions privés de divertissement. Le divertissement dit par Pascal, pour quelqu'un qui n'est pas armé, c'est le seul Pascal accessible. Je n'ai pas envie de refaire ma litanie de jeune homme qui a quitté l'école à 13 ans, mais c'est quand même une lacune." Fabrice Luchini
"Rien n'est si insupportable à l'homme, écrit Pascal, que d'être dans un plein repos, sans passions, sans affaire, sans divertissement, sans application - je trouve ce mot extraordinaire. Il sent alors son néant, son abandon, son insuffisance, sa dépendance, son impuissance, son vide. Incontinent, il sortira du fond de son âme, l'ennui - et c'est ça qui est merveilleux - la noirceur, la tristesse, le chagrin, le dépit, le désespoir". Évidemment, que ça dépasse le confinement, cette phrase est géniale ! On s'invente, on a une merveilleuse aptitude à s'inventer des rendez-vous, à s'inventer des projets - évidemment parce qu'il y a la finitude, on ne va pas faire le philosophe, ce n'est pas de mon niveau, mais c'est incroyable. Ce qui m'a sauvé moi, c'est la langue de La Fontaine (...)" Fabrice Luchini
L'émission est à écouter dans son intégralité en cliquant ICI